lundi 12 février 2007

Tergiversations nocturnes (4ème partie)

Devant le succès de cette série, je me suis vu propulser au rang de reporter vedette de la rubrique politique. J’avais carte blanche, cela voulait dire que je devais faire plus attention que les autres. Carte blanche dans le jargon journalistique du pays équivaut à un ‘nous comptons sur ton autocensure !’.

J’avais bien compris le message, mais ma grande gueule ne pouvait rester muselée trop longtemps au risque de s’ouvrir de plus belle et de crier encore plus fort. J’ai eu ceci dit, la chance que les prémisses d’un vent de liberté d’expression commençaient à se laisser sentir.

Le gouvernement nouvellement élu, voulait officialiser la rupture avec ce qu’il appelait les années noires du régime. Les journalistes avaient le droit ou plutôt le devoir de dénoncer tout ce qui n’allait pas et cette énumération - je ne l’ai appris que bien plus tard - devait faire office d’état des lieux que pouvait utiliser le nouveau gouvernement pour expliquer l’immobilisme dans lequel le pays allait certainement se retrouver. Nous avions accès à pratiquement tout et partout dans le pays. J’ai donc hissé la grand-voile et glissé sur la vague.

Dans un pays qui accusait plus d’un demi siècle de mauvaise gestion, tout était pour moi du pain béni. J’accomplis mon rôle d’auditeur gouvernemental à la perfection, j’ai fait le tour de la majorité des ministères influents. L’ensemble des responsables que je sollicitais répondaient présents et essayaient d’éviter le plus possible la langue de bois.

J’ai pu passer au crible toutes les procédures et fait ressortir beaucoup de dossiers noirs de l’ancien régime ; malversations, corruption, mauvaise gestion, abus de biens et de pouvoirs…

Tous les anciens y sont passés. Des affaires vieilles de plus d’un quart de siècle ont refait surface et je me suis évertué à les faire correspondre aux causes de nos malheurs actuels.

J’étais la plume dénonciatrice par excellence. Chaque semaine apportait son lot de scoops et de scandales.

Cette euphorie dura près de trois années, durant lesquelles mon aura dépassa les frontières du pays et plusieurs chaînes internationales m’ont fait des offres à la manière du parrain « que je ne pouvais pas refuser ».

Quand je revois cette étape de ma vie, je ne regrette rien. J’ai peut être servi le régime mais je l’ai fait de bonne foi. J’aurais, peut être, du résister à cette inertie d’espoir populaire, j’aurais du m’arrêter un instant, prendre du recul, penser que cela était trop beau pour être vrai. Mais je me suis laissé aller à rêver et me suis presque auto persuadé par la possibilité pour un pays de connaître la renaissance. Et si c’était à mon pays que cela arrivait ? Et si c’était aujourd’hui que ce changement se produisait ?

J’ai encensé cette nouvelle pratique de la politique, cette nouvelle gouvernance, j’ai vanté les mérites de ce gouvernement qui a eu le courage de signer un nouveau pacte non pas avec le peuple comme entité presque réductrice mais avec chaque citoyen de cette nation. Aucun changement réel n’était perceptible mais j’y croyais tellement que je voyais dans chaque décision prise une rupture franche avec ce passé si terne.

Mon enthousiasme a été accueilli au sein de mon journal comme une connivence avec le gouvernement, comme un coup bas porté au cœur du parti qui m’avait recueilli à la sortie de l’institut et qui m’avait donné mes titres de noblesse dans la profession. Je n’avais aucune sympathie pour les responsables du parti, ils étaient tout ce que je voulais changer, ils représentaient tout ce que je voulais fuir. Aussi, n’avais-je pas hésité une seconde à leur remettre ma démission.

Parmi les offres que j’avais reçu, une émanait d’un groupe d’édition qui me proposait de monter mon propre quotidien, j’ai sauté sur l’occasion. J’allais devenir patron !!

6 commentaires:

Anonyme a dit…

encore encore

je suis une lecture assidue, alors même si je passe en silence, je suis en train de suivre l'histoire et ça me donne de plus en plus envie de connaître la fin (mais ne la connait-on pas vraiement ???)

karim bekouchi a dit…

@kenza,
Tu verras si la fin que je propose correspond à ce que tu avais prédit ou pas?
En tout cas tes encouragements me vont droit au coeur et je crois que si tu n'avais pas été là, la nouvelle serait restée à l'épisode deux. Vu que même ma mère m'avait lâché en cours de route
Merci

Anonyme a dit…

tu sais le problème c'est que généralement on a pas envie de reagir à un post quand on a pas quelque chose d'interessant (ou de profond à dire :)), mais le plus souvent quand quelqu'un écris il a juste envie que quelqu'un lui dise j'ai lus ou j'aime ou c'est interessant ou pas mal, ou j'aime pas dutout ...

Je comprend ça parce que une de mes histoires est morte au 3e épisode :))), nombre de commentaires suscités : Zéro

Alors te décourage pas, moi j'ai envie de connaître la fin :)

karim bekouchi a dit…

@Kenza
Ce que tu dis me fait penser à la chanson de police 'message in the bottle'. Au final, se savoir entendu ou lu est déjà une satisfaction. Mais quand personne ne laisse de commentaire, le doute s'installe et on finit par penser que ce qu'on a à dire n'intéresse finalement personne et qu'il vaut mieux se taire et arrêter d'embêter le monde.
J’ai la chance d’avoir une commentatrice fidèle qui, elle, veut savoir la fin de cette nouvelle. Merci ;-)
J’espère seulement que tu ne seras pas trop déçue par la fin, je ne spolie rien en disant cela c’est un espoir candide.

Anonyme a dit…

Je suis un autre lecteur assidu, jai meme laisse tombe DHW que ma femme "moblige" a regarder avec elle pour lire ton histoire. Carry on man, you are doing very very well..! Je compte sur toi surtout pour nous donner une fin originale, please please pas celle des series de la RTM.

karim bekouchi a dit…

@Ba Issam!
Je suis très heureux de savoir que tu préfères lire ma modeste nouvelle à une série aussi emblématique de desperate housewives ;).

J’espère que la fin te plaira, j’ai longtemps hésité pour en trouver une qui respecte un peu la cohérence de l’histoire. Tu me diras ce que tu en penses.

PS : J’ai du chercher pour trouver ce que voulait dire ton DHW je t’avoue que je n’ai jamais regardé cette série même si je suis comme tu sais un adepte de la télé.

Embrasse Maya pour moi et merci pour tes encouragements ça me donne envie de continuer.