mardi 19 décembre 2006

les limites de la tolérance

J’entend souvent parler de la tolérance de l’islam, de son ouverture sur les autres religions et civilisations et on se remémore allégrement le temps où différentes communautés vivaient en harmonie sous le même ciel. Ces même voix qui s’élèvent ça et là militent pour un islam modéré et avertissent du danger de sombrer dans un obscurantisme religieux totalitaire et archaïque. La question qui s’impose est donc qu’est ce qu’un islam modéré ?

Pour illustrer la recherche de réponse à cette question, prenons l’exemple d’un citoyen Marocain moyen de confession musulmane, il paie les traites de son appartement acheté à crédit, il joue une grille de LOTO par semaine pour entretenir l’espoir d’une vie meilleure, il fête le jour de l' an au champagne quand l’occasion se présente, il se rend à la mosquée une fois par mois quand il a le temps et il fait son ramadan tous les ans.

Comment qualifier la pratique religieuse de notre échantillon ? Est ce que cet un musulman modéré ? Un musulman du cœur ou est ce qu’on peut considérer qu’il y a du laxisme dans sa pratique?

Prenons, ensuite, un autre exemple : Toujours un citoyen marocain, il habite dans un appartement en location depuis 15 ans parce qu’il trouve que les prêts bancaire sont contre la religion. Il fait 30 km pour se rendre à un marché en banlieue de la ville pour acheter de la viande parce qu’on lui a dit que dans le nouvel abattoir, la mise à mort des bêtes n’est pas à 100% Halal et qu’il veut éviter tous les risques. Il évite d’aller chez sa belle sœur parce que son mari boit comme un trou. Il prie tous les jours et se rend chaque vendredi à la mosquée. Ah oui, j’ai oublié qu’il interdit à ses enfants en bas age de regarder la télévision plus de deux heures par jour et seulement quand lui ou sa femme sont présents.

Comment qualifier la pratique religieuse de ce deuxième échantillon ? Est-ce que c’est un musulman intégriste ? Un musulman qui suit d’un peu trop près les préceptes de la religion ou est ce qu’on peut considérer qu’il essaie de pratiquer sa religion avec un certain degré de responsabilité ?

Sans apporter de réponse à ces deux séries d’interrogations, il est important de ne pas se tromper de combat. Avant de s’attaquer à ceux qui perpètrent des crimes au nom d’une religion qui ne les reconnaît pas en tant qu’adeptes. Il faut apprendre à faire la différence entre musulmans et autres islamistes ignorants, ignares, meurtriers et criminels.

La tolérance de la pratique religieuse de l’autre c’est aussi lui donner la possibilité de l’exercer. Pour ce faire, il faut commencer par étudier techniquement la religion et tenir comptes de toutes ses spécifités économiques et sociales. Par la suite, le modèle proposé doit en tenir compte.

Si je reviens au deuxième échantillon, comment lui faire admettre qu’il vit dans un pays qui tolère sa pratique religieuse s’il ne peut même pas obtenir un financement qui la prend en compte ? Ou s’il ne peut pas être sur du caractère Halal de la mise à mort des bêtes dans les abattoirs ?

C’est ce manque de tolérance institutionnel qui peut mener des musulmans pratiquants à se radicaliser et, sans prédire de scénario catastrophe, à vouloir imposer leurs visions des choses soit par les urnes soit par des méthodes encore plus expéditives…


Je n’ai pas d’idéologie politique si ce n’est la défense de ma liberté de ne pas en avoir. De nos jours, j’ai l’impression que cette aspiration tellement anodine et qui est peut être partagée par le plus grand nombre est de plus en plus mise en danger. J'ai envie que mes deux exemples puissent vivre dans la même société, se cotoient, s'aiment, s'engueulent, se réconcilient sans aucune contrainte ni pour l'un ni pour l'autre.

Tolérons les autres pour qu’ils nous tolèrent.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Karim,
Je crains que la question ne se pose pas concernant les pratiques individuelles (tes deux exemples) mais se pose sérieusement quand il s’agit de certains aspects politiques, si j’ose dire, de l’Islam.

En général les gens s’en sortent assez bien à titre individuel. Mais la communauté toute entière hésitent à prendre ses distances vis à vis certains pratiques.

Pour parler clairement aujourd’hui on évoque la question de tolérance de l’Islam quand il s’agit de terrorisme par exemple (en générale timidement condamné), de ce qui s’est passé dans les affaires de caricatures (ambassade brûlée, religieuse tuée) ou encore concernant la question du prosélytisme chrétien interdit et sévèrement punit en terre d’islam alors que la Da3wa est autorisée en Europe par exemple. Pourquoi ne pas le dire, sur ces questions une « autre voix » musulmane peine à se faire entendre. C’est ma conviction.

Ceci dit, dans le monde ou nous vivons personne n’est un ange et chaque religion chaque communauté, a son actif et son passif. Sauf que l’actualité internationale met le doigt souvent sur les musulmans et pas sur les autres.

karim bekouchi a dit…

@Larbi
Je te rejoins dans presque tous ce que tu dis sauf que mon analyse des faits est légèrement différentes. Ce que je veux éviter, c’est que des ambassades brûlent, c’est que des hommes et des femmes de foi soient tués, emprisonnés ou je ne sais quoi d’autre. Les responsables politiques dans les pays à majorité musulmane condamnent des actes de barbaries à demi mot quand ils n’oublient pas de le faire parce qu’ils n’ont jamais rien fait pour permettre à cette majorité de pratiquer sa religion dans un cadre individuel. Ils ont institutionnellement échoués et ont été incapables même de conduire une politique laïque et veiller à ce que la pratique religieuse soit garantie. Ils attendent ces épisodes avec impatience pour pouvoir rallier le peuple sous l’égide d’un pseudo militantisme religieux toujours tourné vers l’extérieur pour mieux cacher leurs carences. Ce que je dénonce, c’est cette carence qui amène les dirigeants à cette connivence avec des actes barbares. Commencer par veiller à la garantie de la pratique religieuse c’est se donner une légitimité auprès du peuple et pouvoir par la suite prétendre à une ligne de conduite loin de tous petit calcul politicien.

Anonyme a dit…

le premier echec constaté c'est d'abord accepeter le terme "Islamiste" pour soit disant différencier un musulman à un extrémiste, or c'est d'ici que commence l'amalgame
à ma connaissance je n'ai vu de terme genre "catholiquiste" ou "juiviste"...
oui je sais on va me prendre pour une nieme fois d'extrémiste..
je dis une chose:
l'identité ne se justifie jamais et on ne négocie jamais ce qui nous appartient
Pour le reste tant de fantasmes pour remplir les JT et les livres

karim bekouchi a dit…

@Le mythe,
Je ne me permettrai pas de porter un quelconque jugement, mais concernant les appellations ‘islamiste’ ou ‘islamisme’, je suis plus d’avis de les remplacer par des expressions complètement décorrélées de la religion musulmane.

Pourquoi faire le rapprochement entre les terroristes et leur religion ? Parce qu’ils perpètrent leurs crimes au nom de leur foi ? Est-ce que cela légitime ce rapprochement ?

Ce rapprochement prend tous les musulmans en otage qu’ils le veuillent ou non. Comment se désolidariser de ces criminels alors si ce n’est en ayant des appellations différentes ?