Je me suis souvent interrogé sur le mode de pensée des marocains et sur leurs processus de prise de décisions. La culture, l’éducation, l’environnement socio économique sont certainement des paramètres à prendre en compte pour arriver à comprendre le mode de comportement d’individus faisant partie d’une même société, mais à eux seuls, ils ne peuvent pas faire apparaître la marque de fabrique d’un comportement à la marocaine. Quelque chose de plus profond doit nous lier tous les uns aux autres.
Je me plais à me rappeler un dicton que ma mère affectionne particulièrement « la tête qui ne tourne pas est une butte » cette affirmation correspond à un état d’esprit que je peux aisément qualifier de général. Le marocain est quelqu’un qui s’adapte très facilement aux situations les plus diverses et arrive très vite à convertir jusqu’à même son mode de pensée quand il y a besoin de le faire. Je ne suis pas entrain de dire que nous sommes versatiles, je ne veux nullement être péjoratif, ceci dit, les marocains ont compris que le temps des convictions absolues est révolu et que la seule certitude reste invariablement la nécessité pour chacun de subvenir à ses besoins voir, si possible, à ses envies.
La motivation première des marocains est devenue au fil du temps axé principalement autour de la recherche de profit avec ses différentes variantes et une hiérarchisation très étudiée :
Immédiat,
Substantiel,
Individuel,
À terme,
Moral,
Et enfin collectif.
Cette soif de profit est légitime mais sa hiérarchisation est une conséquence de l’individualisation accrue de la société marocaine.
Quelle est la cause de cet élan d’individualisme qui ne cesse de s’étendre ?
Dans une société où l’individu n’est pas reconnu et où ses droits élémentaires en terme d’éducation, de santé et de logement – pour ne citer que ceux là – sont quotidiennement mis à rude épreuve, l’esprit marocain a fini par trouver un compromis entre d’une part, une politique gouvernementale qui réfute l’aspect individuel du citoyen et le cantonne dans le carcan impersonnel ‘de peuple’ et d’autre part, ses aspirations profondément personnelles.
Chacun de nous, en fonction des quelques miettes récoltées accidentellement essaie d’optimiser sa recherche de profit ; cette optimisation passe nécessairement par la case opportunisme. « Rester vigilent » est devenue la règle d’or quelque soit l’état de latence dans laquelle les autres croient vous voir.
Je m’interrogeais souvent sur le manque d’initiative individuelle chez mes compatriotes, ce que j’ai fini par comprendre c’est que poussé pour la seule recherche de profit et étant donné que le profit réalisé correspond naturellement à un travail fourni, les marocains sont passés maîtres dans le calcul du rapport travail/profit.
Personne au Maroc ne chôme, tous sommes à l’affût de l’occasion génératrice de profit. Mais en attendant cette chance providentielle, rien ne sert de se dépenser à la chercher puisque tout le monde a usé en vain les circuits traditionnels. En attendant, sirotant nos boissons sur les terrasses des cafés ou partageons nos lampadaires entre amis.