jeudi 25 janvier 2007

rass edderb ou pourquoi les marocains adorent les lampadaires?

Je me suis souvent interrogé sur le mode de pensée des marocains et sur leurs processus de prise de décisions. La culture, l’éducation, l’environnement socio économique sont certainement des paramètres à prendre en compte pour arriver à comprendre le mode de comportement d’individus faisant partie d’une même société, mais à eux seuls, ils ne peuvent pas faire apparaître la marque de fabrique d’un comportement à la marocaine. Quelque chose de plus profond doit nous lier tous les uns aux autres.

Je me plais à me rappeler un dicton que ma mère affectionne particulièrement « la tête qui ne tourne pas est une butte » cette affirmation correspond à un état d’esprit que je peux aisément qualifier de général. Le marocain est quelqu’un qui s’adapte très facilement aux situations les plus diverses et arrive très vite à convertir jusqu’à même son mode de pensée quand il y a besoin de le faire. Je ne suis pas entrain de dire que nous sommes versatiles, je ne veux nullement être péjoratif, ceci dit, les marocains ont compris que le temps des convictions absolues est révolu et que la seule certitude reste invariablement la nécessité pour chacun de subvenir à ses besoins voir, si possible, à ses envies.

La motivation première des marocains est devenue au fil du temps axé principalement autour de la recherche de profit avec ses différentes variantes et une hiérarchisation très étudiée :

Immédiat,

Substantiel,

Individuel,

À terme,

Moral,

Et enfin collectif.

Cette soif de profit est légitime mais sa hiérarchisation est une conséquence de l’individualisation accrue de la société marocaine.

Quelle est la cause de cet élan d’individualisme qui ne cesse de s’étendre ?

Dans une société où l’individu n’est pas reconnu et où ses droits élémentaires en terme d’éducation, de santé et de logement – pour ne citer que ceux là – sont quotidiennement mis à rude épreuve, l’esprit marocain a fini par trouver un compromis entre d’une part, une politique gouvernementale qui réfute l’aspect individuel du citoyen et le cantonne dans le carcan impersonnel ‘de peuple’ et d’autre part, ses aspirations profondément personnelles.

Chacun de nous, en fonction des quelques miettes récoltées accidentellement essaie d’optimiser sa recherche de profit ; cette optimisation passe nécessairement par la case opportunisme. « Rester vigilent » est devenue la règle d’or quelque soit l’état de latence dans laquelle les autres croient vous voir.

Je m’interrogeais souvent sur le manque d’initiative individuelle chez mes compatriotes, ce que j’ai fini par comprendre c’est que poussé pour la seule recherche de profit et étant donné que le profit réalisé correspond naturellement à un travail fourni, les marocains sont passés maîtres dans le calcul du rapport travail/profit.

Personne au Maroc ne chôme, tous sommes à l’affût de l’occasion génératrice de profit. Mais en attendant cette chance providentielle, rien ne sert de se dépenser à la chercher puisque tout le monde a usé en vain les circuits traditionnels. En attendant, sirotant nos boissons sur les terrasses des cafés ou partageons nos lampadaires entre amis.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Karim
Drôle de cryptage. L’analyse est tentante c’est vrai, je suis pas d’accord sur quelques éléments.
Sur l’individualisme tout d’abord je crois que c’est le propre des sociétés contemporaines, toutes les sociétés contemporaines. The more i See the more i want. Avec la progression des médias, de la société de consommation et l’évolution des organisations humaines l’individualisme progresse. Comme une fatalité. Il y a quelques années, les sociétés avaient besoin de solidarité et de rassemblement pour exister. Aujourd’hui seul rassemblement qui compte c’est l’Etat Nation. A l’intérieur chacun essaye de se débrouiller comme il se peut. Le marché du travail : beaucoup de concurrence peu de postes. La vie quotidienne : beaucoup d’exigence peu de moyen. The more i see the more i want.
Sur le rapport au profit, je ne suis pas contre le principe. C’est le fondement même du libéralisme économique. Les initiatives individuelles souvent motivés par des envies d’enrichissement s’accumulent et créer un mouvement économique de l’activité. Le macro part du micro. Le tout est un ensemble de petites choses.
Mais gare ! le long terme le collectif c’est une exigence. Elle incombe à mon sens plus au pouvoir central et aux collectivités locales. L’Etat qui se décharge de beaucoup de fonction, lui reste la tâche essentielle de mettre une harmonie et une cohérence dans tous ces mouvements. Et surtout ne laisser personne en dehors du mouvement au bord de la route. Comme ça la collectivité ne part pas dans tous les sens.

karim bekouchi a dit…

Je conviens volontiers que l’individualisme n’est pas un phénomène marocain, de plus il ne traduit pas foncièrement une dérive sociale quand les règles du jeu sont garanties par un état de droit. Ce qui relève de la spécifité marocaine c’est la relation des individus face à l’individualisme accru qu’ils ne semblent pas avoir choisi mais qui leur a été imposé d’une manière primitive.

Le dilemme est simple ; Nous sommes condamnés à nous en sortir et toutes les solutions dites classiques semblent vaines et usées. Si l’ascenseur social en France est en panne, au Maroc, l’architecte a oublié même les escaliers.

Les règles du jeu sont très claires, tout le monde a le droit de jouer et JE choisis le gagnant. Finalement, les marocains se sont adaptés à cette réalité et ont décidé de multiplier les terrains de jeu. Chacun se crée le jeu où il pourra être sûr de gagner et évite comme la peste de jouer aux jeux des autres. Et en attendant de trouver son jeu, le JE attend…

Le manque d’initiative individuelle correspond à cette attente qui nous fait tellement de mal et c’est ce qui me fait réagir.

J’ai évoqué une hiérarchisation toute aussi imposée dans ce processus de recherche du profit, les dimensions immédiate et individuelle de cette recherche jettent les questions d’ordre collectif et à terme aux oubliettes. Comment s’intéresser au bien de la société entière si je ne suis pas sur de subvenir à mes besoins vitaux et quotidiens?

Quand l’avenir se réduit à demain, à des cigarettes, au café ness ness, à un jean Diesel « mdere7 » ou je ne sais autre, comment pousser la réflexion plus loin que la recherche de ces besoins « terre à terre ». C’est cette urgence que je déplore et qui prend tant d’énergie à nos jeunes qui finissent par s’embourber dans l’immédiat et refusent de s’investir ou de s’inscrire dans une démarche d’avenir trop incertaine et sûrement sans espoir.